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27 mai 2011 5 27 /05 /mai /2011 00:43

 

Happy-endings-whos-the-myth-now

La licorne à mitraillette... une réponse mesurée à l'homophobie.

(je gardais l'image depuis si longtemps de côté... elle devait sortir)

  

Encore un post plein de plaintes et de mélancolie qui dénonce l'hétéronormativité qui crible nos imaginaires sablonneux de petites pépites chocolatées d'homophobie...? Au contraire ! Je profite de mon petit rayon de soleil existentiel pour parler avec joie et bonne humeur de l'homophobie. 

J'insiste. Je suis tellement content et léger que si un rayon de soleil se posait à mes pieds, je pourrais aussitôt le chevaucher...! Et siffler une licorne dorée pour faire le reste du chemin jusqu'à "supercoolland". Je suis tellement joyeux que je pourrais (j'hésite une seconde à continuer...) démagnétiser tous mes CDs de Trip-Hop des années 90 ! Corollaire : Tricky est redevenu pour moi un simple adjectif, et Massive Attack un nom possible de magasin discount super-hype !

 

Happy-endings licorne grizzly

      source.

 

Imaginez que vous ayez atteint ce niveau de bonheur, parce que soudainement, vous auriez franchi en même temps deux étapes importantes de la vie, comme avoir un mec et avoir un job par exemple... donc vous êtes joyeux, les insultes rebondissent sur vous, vous êtes prêts à vous faire agresser dans la rue, lever les bras en l'air et crier "ho, raté mec, je resterai joyeux, je ne me battrai pas, je trouve ça débile !" Eh bien, quand on est joyeux comme ça, et qu'on veut parler d'homophobie avec un pote, on pourra désormais, depuis l'épisode 6 de la saison 1 de Happy Endings, parler de "gay-cisme" ! C'est l'expression géniale pour dire un peu plus précisément que même si vous aimez bien les gays, vous avez de terribles clichés dessus. Est-ce que c'est l'équivalent de raciste...? Presque.

 

Happy-endings-Cyberdolphin-vs-Unicorn

Licorne vs Cyber-dauphin- source

 

Si j'en déduis d'après le contexte, le gaycisme consiste dans l'ensemble des idées fausses que vos potes hétéros ont sur vous du fait d'une certaine ignorance. Le gay-cisme (à ce stade de sa vie de concept) ne qualifie pas une attitude mal intentionnée. Au contraire ! Le gay-cisme est initialement bienveillant. Mais il créé des malentendus, dus principalement à l'ignorance. 

Dire "gay-cisme", comme le suggère peut-être la série présuppose également deux choses : 

1) que le fait d'être gay est renvoyé à un statut de quasi "race" (sans quoi on ne s'explique pas la formation du mot en "-cisme"), ou de troisième sexe, dirait proust. 

2) que le gay-cisme soit aussi le produit d'une attitude comparatiste entre la discrimination entre Noirs et entre gays (en fait... je viens de penser à ça, mais un gay gay-ciste mettrait peut-être un "G" majuscule à gay, considérant que ça qualifie une sorte de "peuple" – oui d'ailleurs, pourquoi on ne met pas de majuscule à gay ?).

 

Happy-endings affiche

 

Le contexte de la série pourrait aider. En fait, le pitch et la fiche technique entière de la série pourraient aider. Mais je vais m'en tenir au minimum. On a tous vu ces comédies romantiques où l'héroïne – fiancée à un mec sérieux, bien foutu, mais un peu banal – part au dernier moment avec le héros alors qu'elle était sur le point de se marier. La fin de ces comédies romantiques constitue pour Happy Endings le début de la série. A ceci près... que le héros, Dave, est celui qui s'est fait abandonner devant l'autel, tandis que son ex-femme, Alex, partait pour une ballade romantique en roller blade avec un surfeur débile... Tout commence avec la rupture du couple idéal, en suivant le schéma exactement inverse du romantisme le plus dépravé qui soit (ce qui signifie que les personnages ne peuvent plus s'associer au nom d'un romantisme supérieur puisque cette ficelle a été cassée dès le début). 

Paradoxalement pourtant, ces deux personnages principaux – Dave et Alex – sont très fades, tous les deux blancs, hétéros, presque sans défaut, ni trash ni bourges, et ce sont leurs amis ambigus qui sont les moteurs de la série : Penny, plus âgée, névrosée et en manque de relations, Brad le black sucré, riche, charmant et délicat, Jane sa femme controlfreak, et Max, le pédé butch potelé (une sorte de bear dans la peau d'un trentenaire bien gaulé et semi-hipster).

 

Happy-endings groupe

Bonne série... et pourtant le portrait de groupe est à chier.

 

Voilà maintenant le contexte précis du "gaycisme" : Brad et Max parlent. Brad est black et hétéro, Max est blanc et homo. Mais la série a glissé quelques ingrédients supplémentaires dans les personnages : Brad est pote avec Max (il y a d'autres personnages, mais ces deux-là, avec la copine célibataire et nympho, sont les plus drôles). Brad n'est pas trop préoccupé de sa virilité, et Max n'est pas très efféminé. Bref, Brad est black et plutôt coquet, Max est pédé et plutôt viril. 

Aha ! Le monde s'effondre... Finis les clichés ! 

Pas du tout. Brad veut présenter un mec à Max. Un comptable blondinet, chiant, aussi vide à l'intérieur qu'un poisson hérisson effrayé. Horreur pour Max. Que Brad ait pensé que Max se taperait un tel mec est quasiment une insulte... à moins que ce soit pire : du gaycisme ! Dans l'esprit de Brad, les pédés sont tellement des lapins, ou tellement interchangeables, ou tellement désespérés qu'il suffit que deux pédés se rencontrent pour qu'ils sortent ensemble. Max découvre qu'il n'est qu'une sorte de peluche gay pour son pote hétéro. 

Aha ! Le monde s'effondre... Les différences sont mortelles, l'incompréhension inévitable, le communautarisme une gangrène, et le républicanisme universaliste la seule solution à nos insupportables clichés !

 

Happy-endings max

S01E06. cliché 1.

 

Evidemment, la série suit le mouvement exactement inverse : ni anti-clichés, ni pro-clichés (ce sont ça, les vrais clichés mortels au sujet des clichés). Max va renvoyer Brad à son propre gaycisme, en lui faisant à dessein une série de remarques racistes plus subtiles. Bataille ouverte. Mais drôle. Peut-être qu'en France, on s'offusquerait, pour mieux se taire ensuite, après avoir opiné du chef au premier qui répéterait que nous sommes tous frères indifférents à la couleur, au sexe, à la religion etc. 

Mais les paradigmes ont changé. Dans cette série, on ne s'engueule plus parce qu'on est discriminé ou pas assez reconnu, mais on s'engueule pour mieux se comprendre (monde génial – la série se passe à Chicago). L'amitié est garantie, mais pas la connaissance de l'autre. Dans ce contexte-là, les clichés sont autorisés pour commencer à se connaître. Charge à votre pote de vous corriger ou non. 

Il m'est personnellement arrivé d'être victime de gaycisme. Du beau et du gros gaycisme. Un pote plombier, le Peace Provider, a voulu me maquer avec un travesti sous prétexte qu'il était probablement gay. Mon pote hétéro n'a pas soupçonné une seconde que ce n'était pas mon style... Je me demande encore quel raisonnement l'a conduit à penser ça. Peut-être que je devais apparaître à ses yeux comme un mec à qui il suffirait de se frotter à un truc qui ressemble à un mec pour être satisfait – comme si ma sexualité avait affaibli et réduit à néant toute exigence esthétique. Mais le plus drôle c'est que la belle trav qui l'avait dragué initialement a probablement dû voir en lui aussi un potentiel amant, tellement hétéro qu'il pouvait en venir à préférer les signes de la féminité plutôt que la féminité "authentique".  Et la trav a l'oeil, puique le Peace Provider est bien le genre de mec à devenir fou s'il entend des talons aiguilles claquer sur le pavé (je devrais le maquer avec une paire de chaussures en fait). Au final, des deux côtés de la rencontre arrangée, ça ne pouvait pas fonctionner, puisque c'était l'entremetteur qui nous intéressait le trav ou moi. 

 

Happy-endings contre attaque max

S01E06. Cliché 2.

 

Bien sûr, reparler de ça me remet un peu la rage contre lui, mais dans le fond, cet incident a autorisé à parler plus clairement de ce qui nous constituait. En dernière instance, c'est la qualité d'écoute et la place de cerveau disponible qui fait la différence. Mais on a même tenté de parler de ce que ça faisait d'être blanc, et d'être métis... pourtant, quand la conversation a commencé, dans une smart lancée à toute allure sur l'autoroute, il n'y avait aucun gros cliché à abattre et à corriger. On s'est vite épuisé... alors qu'on parlait de nos vies, il n'y avait rien à dire, pas de matière qui méritait d'être commenté. Je reste persuadé qu'il nous manquait des clichés à tuer.

La série a bien cerné un truc : il n'est plus question de savoir qui on est, si on est raciste ou pas, mais il est question de savoir ce qu'on fait, ou ce qu'on dit. A ce titre-là (écoutez bien, les mecs de la FFF), on peut tenir des propos racistes sans être raciste. En réalité, le racisme ne définit pas l'essence d'une personne pas plus que le fait d'être gay définit l'essence d'une autre personne. Il y a des propos racistes qui peuvent être tenus par des personnes non-racistes (salut à toi, Laurent Blanc). Et même les gays peuvent être gaycistes ou les blacks racistes... Le racisme ou le gaycisme qualifient d'abord un discours. Mais ce discours peut paradoxalement être une première façon de connaître l'autre. Brad aurait pu rester le pote de Max sans jamais le comprendre... mais qu'aurait valu cette amitié ? Tant que la série (et je ne fais que repousser la grande digression qui expliquera pourquoi Happy Endings est vachement bien et vachement moderne) ne quitte pas la zone de confort amicale, il n'est pas question d'homophobie directe, mais de gaycisme.

 

 

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